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 Le Jardin des égarés

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Mérope&Ézéchiel
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Mérope&Ézéchiel


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MessageSujet: Le Jardin des égarés   Le Jardin des égarés Icon_minitimeMar 19 Aoû - 14:51

Emmet erre depuis des siècles (sûrement plus). Errer c'est la version poétique et tout euphémique pour dire qu'il est perdu. Et perdu, c'est la version gentille pour dire qu'il ne sait pas du tout où il est et qu'il va probablement mourir de faim et de solitude dans quelques jours.
Depuis des siècles, donc, Emmet fait des allers-retours nerveux entre nulle part et un autre endroit qui, malheureusement, s'avère aussi être nulle part. Il a l'impression de s'engouffrer tranquillement, de s'égarer de plus en plus, mais je vous rassure... Sa situation ne pourrait pas être pire.


« Ne paniquons pas ! »

Emmet... Sacré Emmet. Ses sourcils sursautent, ses mains tremblent, ses dents grincent et ses jambes sont molles; bien sûr qu'il panique. Il panique tellement que son cœur pourrait fléchir d'un moment à l'autre. Il se donne des airs d'habitué, ou encore des airs d'homme invulnérable, ou même des airs de flibustiers sans foi ni loi, mais jamais des airs qui montrent comment il se sent vraiment (voir ici : désespoir, angoisse).
On ne peut pas non plus le réprimander parce qu'il panique. Il a été kidnappé par des gens un peu louches et on l'a déposé ici, au milieu de la mare d'humains qui grouillent et qui fourmillent et qui dansent dans tous les sens. On s'est excusé de l'abandonner ici en disant qu'il s'agissait « d'une erreur grave », d'une « mauvaise compréhension d'un ordre de mission ». Heureusement, on a tenté de le rassurer en précisant que d'autres individus allaient bientôt s'occuper de son cas.

Ces individus sont justement... Ah non, il ne sont pas là. Ils sont absents !

« Heureusement que j'ai mon manuel ! »

Et il ne jure encore que par son manuel. Quand il sera mort, dans son cercueil en velours rouge, il aura sur lui ses vêtements, une photo de son chat et ce manuel. Si ce livre d'instructions était une bible, il en serait le grand prêcheur.

Pour tout dire, il n'est pas habitué à ce genre d'univers populeux, vraiment désorganisé, sans structure. Les gens ici ne travaillent pas, gambadent dans les rues en chantant des mélodies sans queue ni tête, peignent des tableaux abstraits sur les grandes places et osent même danser sans chorégraphie. Tous ces artistes font frissonner Emmet à chaque fois, qui plonge son regard dans son manuel pour éviter de paniquer encore un peu plus (ce qui échoue à chaque fois... Il panique toujours un peu plus !).
À son avis, il leur faudrait un peu de restrictions, de contraintes, d'ordre ! Tout ici n'a aucun sens. C'est un pays de fous, une terre habitée par des personnages plus cinglants les uns que les autres. Pauvre Emmet... Briqueville lui manque tellement.


« Chapitre XXIV : Pêcher en bonne et due forme. »

Euh, non... Ce n'est pas tout à fait ça. Apprendre les fondements de la pêche industrielle n'est pas très utile pour se retrouver en territoire inconnu, quoique...

« Chapitre CXI : Gérer la cuisson de la dinde comme un citoyen exemplaire. »

Allez, un peu d'efforts !

« Chapitre CCVII : Parler de liaisons moléculaires covalentes convenablement. »

... Sérieusement, Emmet ?

« Chapitre LX : Se retrouver quand on est perdu. »

Ah, voilà !

« Première étape : ne pas paniquer. »

Oh.

« Oh. »

La première étape étant un échec absolument flagrant, désolant, accablant et intemporellement pitoyable ( !), Emmet décide qu'il doit se calmer. Il s'arrête en plein cœur de la foule, bouscule deux ou trois passants de par son adresse légendaire et... se calme, donc.
Il prend une respiration interminable qui ne se termine pas, et une deuxième, et une troisième, mais tous ses efforts sont réduits à néant. Ses pupilles continuent de s'agiter dans tous les sens, ses doigts dansent la samba sans qu'Emmet ne puisse les contrôler et même son cœur décide qu'il abandonne son rôle vital pour devenir percussionniste dans un grand orchestre sud-américain.

Deuxième tentative ! Emmet ferme les yeux pour visualiser un moment de calme, de paix et de bonheur. Vous savez, ce genre de moment où on s'abandonne à l'irréalité pour s'imaginer sur une plage déserte, sous les cocotiers et les bananiers. Un peu plus loin, on croise les regards charmeurs de jolies femmes qui dansent sur des airs trop allègres, ou encore on remarque la présence de primates qui font des cabrioles pour amuser les passants... Oui, ce genre de scène fabuleuse qui calme même les hyperactifs !
Eh bien... Pour Emmet, ce n'est pas du tout ça. Lui, quand il ferme les yeux pour « s'abandonner à l'irréalité », c'est pour s'imaginer sur le chantier avec tous les autres ouvriers. Il se voit, plan à la main, sentiment du devoir accompli dans l'autre, cheminer à travers les constructions, puis mettre la main à la pâte comme le plus formidable des maçons. Et après, il se voit quitter le chantier, le regard triste mais plein d'espoir pour des jours meilleurs avant de ne plus rien faire en s'assoyant devant un épisode de « Où sont mes sous-vêtements ?! ».
La belle vie, quoi.

Quelle vie de...


« Deuxième étape : se localiser géographiquement. Oh, facile ! Je n'ai qu'à demander au premier passant que je vois ! [...] Hé ! vous, honnête citoyen à la moustache, où sommes-nous, là ? »

« Chez ta mère ! »

« Oh, monsieur, vous faites erreur. Nous ne sommes pas chez ma mère ! »

...

Voyant que sa tentative a été vouée à un échec absolument flagrant, désolant, accablant et intemporellement pitoyable {bis}, il décide de s'enfoncer un peu plus dans la masse pour demander à un deuxième individu. Mais cette fois-ci, Emmet se concentre de toutes ses forces pour identifier une personne (1) saine d'esprit, (2) qui ne semble pas avoir ingéré quelconque substance plus ou moins licite, (3) imberbe puisque le premier citoyen était moustachu et (4) une personne vivant directement dans cette contrée inconnue afin d'obtenir de plus amples informations sur le sujet.
Pendant quelques minutes, Emmet sonde du regard tous les individus qu'il croise, mais sans les dévisager parce que « dévisager les gens, c'est impoli ! » (Guide de la politesse et de la courtoisie pour tous les gentlemen de Briqueville, tome 3, quatrième édition, p. 1245). Il tombe finalement nez-à-nez avec un jeune homme (1) qui ne semble pas fou, (2) qui ne gambade pas dans les rues, (3) totalement sans pilosité et (4) qui porte une guitare sur son dos. Voilà.


« Mes salutations, citoyen ! »

« Eh. »

« Je suis un peu perdu... Où sommes-nous ? »

« Jardin radieux. »

« Oh, mais monsieur... Je marche dans cette ville depuis des heures et j'ai remarqué tous vos jardins ! Et bien sûr qu'ils sont magnifiques. »

« Euh... La ville, c'est le Jardin radieux. »

« Bien sûr que c'est un jardin radieux ! »

« Ouais... »

« À Briqueville, on a des bâtiments radieux ! Ici, ce sont les jardins ! Je comprends. »

« On est au Jardin radieux, monsieur. »

« ... »

Emmet soupire longtemps, tellement longtemps que le guitariste en profite pour prendre la poudre d'escampette. Il est désespéré, Emmet. Il recommence à paniquer, Emmet. Du mieux qu'il le peut, il garde son calme, son sang-froid; il finira bien par trouver une solution à toute cette histoire, n'est-ce pas ? N'est-ce pas ? Hein... N'est-ce pas ?!
Pour la troisième et ultime fois, il s'avance dans la foule, cherche du regard la solution à tous ses problèmes, la clef de sa prophétie. Il décide de s'avancer vers une agglomération d'artistes un peu plus loin. D'où il se trouve, il entend déjà des chants, des rires, des vulgarités et des bribes de discussions, assez pour le faire frémir de tous les côtés. Où diable est-il donc atterri ? Une cité sans cohérence, des gens sans travail, un peuple chômeur ?

Après avoir réussi à se frayer un chemin dans la foule avec une grâce inégalable, Emmet se rend compte que ces gens... regardent en fait d'autres gens se trémousser au milieu comme si leur vie en dépendait. Leur  numéro sans structure et sans chorégraphie, l'œuvre du diable lui-même (Brickowski, 2014) se termine après des heures, voire des minutes. Il juge alors le moment opportun pour prendre place au cœur de l'audience pour demander de l'assistance avec... classe et élégance.


« J'en ai assez de vos arts stupides et de vos danses... éternelles ! Y aurait pas parmi vous un citoyen sain d'esprit pouvant m'indiquer clairement où nous sommes en ce moment ?! »

Classe et élégance, ouais !
... Sans attendre, il estompe le malaise de la situation avec un sourire affable, comme le suggère si bien le guide d'instructions (eh oui, encore).


« S'il vous plaît ? »

Un homme excessivement barbu (et excessivement prend ici tous les sens de son terme) se détache des autres et s'approche d'Emmet, qui ne tient plus sur place tellement il est nerveux, tellement il panique, tellement il a l'impression d'avoir commis la plus incroyable bévue de l'histoire de la galaxie. Un sourire orne son visage, mais croyez-moi, il symbolise tout, sauf la plénitude universelle !
Le barbu ponctue son arrivée d'une minute de silence - aussi connue sous le nom de la plus longue minute de l'existence d'Emmet -, avant de briser la quiétude sournoisement.


« Quel art t'amène ici, jeune homme ? »

« Un art ? Non, en fait, je suis ici par... »

« Oh ! Tous ceux qui atterrissent ici sont des artistes. Y compris toi. Dis-moi, que sais-tu faire ? »

« Sauf votre respect, citoyen, je ne pense pas que... »

« Tu danses ? »

« Euh... Sur le chantier, un jour, un ouvrier a mis des glaçons dans mes pantalons. Et on m'a appelé le ''danseur fou'' que personne n'aime » pendant des années... En toute amitié, évidemment ! »

« Tu chantes ? »

« Dans la douche, ouais. Vous ne connaissez pas Tout est vraiment génial ? »

« Tu... peins ? »

« Les murs de mon appartement à Briqueville ! »

« Tu écris ?! »

« Mes pensées dans mon journal intime... Mais n'en parlez pas ! »

« Par le barbu, quel art pratiques-tu ?! »

« Euh... Je construis ? »

« Un architecte, voilà !! »

Le barbu s'éclipse un moment, laissant Emmet au milieu d'une marre d'inconnus. Il échappe au malaise en lançant quelques « eh ! » très peu convaincants, mais heureusement, le barbu revient aussitôt, tirant un énorme chariot de bois derrière son dos. Il le place au milieu de la scène improvisée et commence à... détruire le véhicule avec une... telle agressivité.
Rapidement, tous les gens de la foule participent à cette destruction massive. Les planches de chêne sont propulsées dans tous les sens, les essieux sont démembrés de leurs roues, les sièges sont lancés dans les airs. Pendant ce temps, Emmet ne bouge pas en essayant de ne pas pleurer. C'est tout ce qu'il arrive à faire, en fait.

Le rituel satanique tire à sa fin et le barbu monte sur l'un des monticules de débris. Le soleil éclaire sa pilosité avec une telle passion que tous ses poils brillent. C'est impressionnant... Mais je vais être honnête, c'est surtout bizarre, en fait.


« Impressionne-nous ! Sculpte, construis, bâtis un chef d'œuvre avec les vestiges de ce chariot ! »

Au centre de la foule, on peut alors observer une bête sauvage bien particulière : le Emmet  irrésolu ! Le Emmet irrésolu une sous-famille du Emmet constructeur. Généralement, on le retrouve en dehors de son habitat naturel, le chantier de construction, et devant une situation qui lui échappe totalement. Le Emmet irrésolu est caractérisé par un visage hébété, une gueule ouverte et par un manque de présence total au fond de son regard.
Le Emmet irrésolu, pour se défendre contre ses prédateurs et contre les circonstances, utilise ce qu'on appelle le « mode nervosité ». Il entre en fait dans une phase de folie intense pendant laquelle il ne peut arrêter de bouger et de se tortiller sans lendemain. À noter que le « mode nervosité » engendre aussi une surproduction d'hormones ce qui surchauffe les capacités cérébrales du Emmet irrésolu. Autrement dit, pendant cette phase, il devient... complètement cinglé.

Complètement cinglé ! Emmet n'attend pas une seconde de plus et bondit sur les ruines du chariot. À une vitesse impressionnante, il assemble des morceaux de bois, place les essieux, cloue un peu partout et martèle son chef d'œuvre d'un côté et puis de l'autre. Peu à peu, les détritus s'assemblent pour créer des formes, des mécanismes, des merveilles ! Emmet ne marche plus; il vole ! Il plane entre les matériaux, saute vers d'autres et crée ce qui semble être la structure la plus magnifique de tous les temps !!
À bout de souffle, à court d'idée et en crise d'inspiration, Emmet tombe lâchement sur le sol. Il n'ose même pas regarder le produit fini; il préfère se laisser mourir tranquillement sur le pavé brûlant.

Le barbu, à nouveau, se détache des autres et relève Emmet brusquement. Son regard est fâché, ses sourcils sont fâchés, sa bouche est fâchée et même sa barbe est fâchée. Il ouvre la bouche pour tonner, et je vous laisse deviner sur quel ton il parle (il est fâché, je rappelle !).


« Qu'est-ce que... Tu as construit... Un chariot ?! Ce n'est pas de l'art ! C'est... une offense pour tous les artistes du Jardin radieux ! »

« Oh... Alors, on est vraiment au Jardin radieux ? Ceci explique cela... »

« Intrus ! Tu viens de souiller l'Art. »

« Souiller l'Art ? J'ai construit le chariot avec les pièces du chariot. »

« Tu veux dire que tu as... »

« J'ai ! »

« Du génie... C'est du génie ! »

Clap. Le regard des artistes s'illumine, d'un coup, comme par magie. Clap, clap. Emmet se demande pourquoi il est un génie, mais ne le sait pas, alors se contente de sourire glorieusement d'un sourire aussi glorieux ! Clap, clap, clap. La foule est en délire, les bohèmes s'avancent, se ruent vers Emmet pour toucher son corps d'Apollon et son chef d'œuvre (son corps d'Apollon est également un chef d'œuvre). Clap, clap, clap, clap. Les acclamations font taire les applaudissements.

« Ceci est un chef d'œuvre, jeune homme. Je comprends tout, maintenant. Ce chariot est une critique de la réalité, de l'illusion d'une normalité collective. Une critique de la routine et du devoir. Alors que tu aurais pu ériger une sculpture gigantesque, un buste incroyable, tu as décidé de reconstruire ce qui avait été déconstruit. »

« Ouais ! C'est ce que j'ai fait. »

« L'art n'est pas seulement une question d'esthétisme, c'est aussi une question de sens. »

« Une question de sens, ouais ! »

« Ce chariot n'est pas seulement un chariot. C'est la représentation d'un chariot. »

« Représentation, super ! »

« Suis-moi, jeune homme. J'ai quelqu'un à te présenter. »

Y a de ces moments où le destin est plus fort que la volonté, où les circonstances sauvent la réputation des êtres les plus crédules (non, Emmet, ce n'est pas de toi que je parle (oui, lecteurs, c'est exactement de lui que je parle)). Y a de ces moments où même un guide d'instructions du bon citoyen n'est pas nécessaire pour survivre en milieu hostile et inconnu...
Cette histoire donne une bonne leçon à Emmet. Probablement qu'il ne s'en est pas rendu compte ou qu'il l'oubliera demain, mais... Profitons du bon temps pendant qu'il dure.
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